I. AB-ORIGINES

Avec l’angoisse d’avoir dormi longtemps, ainsi, ce jour marqué de fentes entre le oui et le non, espaces oniriques où se cache le soleil noir, j’y dépose toute loi de l’art de peindre. L’espace du passé éclairé non seulement par le créateur du visible – le Dieu soleil – ostensiblement il cache aussi son double – le soleil noir – procréant l’invisible avec, sous ses ailes, l’imagination créatrice, clé de la porte de ce grand espace plein «d’intuition soleil noir». Nul ne doit penser qu’on a tort de considérer que la foi ne répond pas, dès l’origine, à un besoin universel… et de se soucier de quelle foi il est question… cette intuition suffit ! Y déposant des lois au moment où en moi m’interpelle impérativement un des pères d’église… donc j’hésitais trébuchant au seuil de cette foi-là et je m’en éloignais en re-rejoignant mon être ab-origines, c’est celui-là qui devine les lois du cœur. Puisque l’homme en sera possédé… OU IL NE SERA PAS… ainsi, tous ceux allant à la messe du système s’appelleront le troupeau du bétail des Dieux. Quelle distance s’éloigne de tous ceux-là mon ab-origines ayant gardé dans son âme l’enfant de toujours vivant ensemble avec l’esprit de toutes les âmes dont il aperçoit les reflets dans l’eau ; et de tout l’esprit qu’il découvre fruit de l’arbre. Granddieux, si je « vois » en moi TOUT ÇA… tout en portant difficilement les présences des autres êtres dits les humains… et ce qui se trouve de l’esprit du siècle comme produit de la création dans leurs musées… j’ai l’éruptif devoir de m’excuser d’y être né et je demande aux Dieux de me transformer en aborigène absolu, fidèle adorateur du soleil noir. En somme, les autres ne méritent PAS que je sois né ! On dit qu’il est possible que la vie soit ce long fleuve tranquille ! OUI, pour les innocents riches… Mais cette race n’existe plus, Sainte Beuve me l’a confirmé. Même les idiots ligotés de tous les fils de toile d’araignée – comme autant de mayas – n’habitent plus chez Dostoïevski. Etant jeune on pense tirer les ficelles et les portes s’ouvrent quand même. Agé, il faut – au risque d’étranglement – démêler tous les filets en devenant – comme le dit Pythagore – un Dieu soi-même. Jeune – parce qu’on est vraiment enfilé parmi d’autres fausses ou vraies perles sur le cordon des effluves magnétiques – partout on aperçoit cette vibration (ces Dieux et le contraire) et on en témoigne en prières, ces signifiants vides du non crée… ces présences que l’on trouve finalement qu’en soi-même. On se retrouve donc dans l’état de grâce extrême d’intellegere, la logique-vie et on voit les Dieux dans toutes les choses. Donc on est artiste et cette foi peut mener n’importe où… Alors pour être certain, il faut, à propos de l’acte de peindre, devenir vraiment PEINTRE et c’est celui-là qui – enfin, en silence après ce long apprentissage de la tentation du chef d’œuvre – se doit de trouver l’affirmation de tout intuition… sa quatrième et dernière vie. Vieux, on porte la lourdeur de ce qu’on omet. En ce dernier voyage c’est seulement l’éternité qu’on trimbale, c’est aussi simple que ça ! c’est le plus évident du plus ordinairement possible, c’est « ce qui EST !». Jeune, le temps nous dure beaucoup trop longtemps… ou n’existe pas ! Agé ; il ne nous reste donc plus de temps et la petite sensation (Cézanne) du tout animé parle de ce qui ne se comprend pas ! Ce peintre essaye donc de capter cette énergie au bruit sourd des ambiances et ce vin moelleux de leurs couleurs, grâce à cette transmission de la reconnaissance, sa peinture nous rend la possibilité de voir « en dedans des choses », il s’y met aussi fougueusement qu’en rêve, il réalise la création de l’impossible et de ce qui ne peut exister c-à-d DIEU !

Oui ! le peintre doit retrouver les lois de la peinture – ce sont les lois du cœur – sinon il n’existera plus jamais, il sera remplacé par le faiseur d’anges. Cézanne, (après avoir abandonné sa peinture couillarde), fut coincé par l’entropie (le Frenhofer-syndrome) et dans cette persévérance d’artiste maudit, il se posait LA question qui tue ! : « Qu’est-ce que la peinture ? » ; MAIS ! elle fut définitivement déclarée morte. Morte ??? Ce fut définitivement le cas les siècles suivants: rien que «entropie et réponses sans questions». Jusqu’au moment où elle se ré-incarnerait ! Etranger à ce monde, employant l’humour des mots du pays, Cézanne « voyait » en dedans des choses. Il s’y retrouvait, il voyait le soleil noir qu’on voit vraiment après avoir fermé les yeux à force d’avoir trop regardé le jour. Ce « quelque chose parallèle à la nature » s’engendrait sur sa toile sous la forme de « presque nature ». Cézanne donc créait la transmission de la reconnaissance, cette imagination créatrice qui nous ramène à notre origine… et encore… on est DEUX ! Van Gogh, Soutine, Castle e.a. voilà des artistes « d’un seul tenant » ! condensés ! L’abstrait Cézanne, et le non figuratif Monet, voilà des artistes d’une envergure donnant à l’évolution. On peut se coincer entre les uns et les autres… entre ces deux réalités. Mais voilà l’issue : ces différents mondes font encore appel au visuel… avec l’inconvénient que celui qui regarde leurs toiles (on l’appellera désormais l’observateur amant) n’y voit que ce qu’il connaît déjà ne se laissant PAS saisir par la reconnaissance, donc il ne sait pas « lire la toile » ! Evidemment il se situe dans le champ du reconnaissable et NON dans celui de la « reconnaissance ». A ce qui se donne à voir ; les Dieux Grecs préféraient le regard initiatique, cette intuition maïeutique, ils considéraient les beaux-arts comme le travail d’artisans et les résultats comme des simulacres. La philosophie des Dieux Grecs est initiatique. Elle est de l’ordre du Dieu incrée. Ainsi l’éternité a prévu que – à ce niveau du numineux – les beaux-arts (dépouillés de l’apparence) rejoindraient en guise de ré-incarnation les Dieux initiatiques. A peine l’amant décèle-t-il ce que cela représente s’il regarde les signatures de Soutine (par exemple celles (ses toiles) de Céret) ou même certaines formes cernées de Van Gogh (qui sont des traces de symboliques icônes ou ses calligraphies « remplaçant » la forme connue) ou l’instantané des Cézanne de la montagnes Sainte Victoire toutes embrumées d’air et de « vapeurs » de la végétation grouillante, ou les dernières toiles «senties» du presque aveugle Monet… Alors, par tous ces exemples d’impondérables possibilités (le numineux) – s’éloignant du concret (sans devenir abstrait) – faisant LE pas plus loin encore – un peintre de MAINTENANT, peut « immédiatement » – c.à.d. sans formes ou présences intermédiaires – ENTRER dans le monde du non-figuratif et reconnaître le monde du soleil noir. A ce point l’art devient maïeutique et directement (c.à.d. instantanément) une force initiatique… et les Dieux Grecs seront contents, de même que Huang-Po! DONC : si on ne « voit » pas le soleil noir on n’est pas destiné à la peinture. On n’est pas ce co-créateur par l’imagination créatrice mais une sorte de prestidigitateur, jongleur, hypnotiseur, charmeur, voués à l’événementiel et au spectacle. Celui qui n’est pas d’origine (ab-origines) ne peut pas être créateur !… il n’est pas dans la foi ! Celui qui n’est pas d’abord créateur ne peut pas se permettre sur le chemin du peintre… là où l’artiste doit apprendre à attendre (attendre, très risqué pour un artiste !]. En cours de route il est probable que celui qui est en chemin, trace lui-même ses sillons encéphales, ces guides du destin à soi (ceux-là ce ne sont certes pas des obsessions karmiques c-à-d des traces des esprits animaux / cf. Malebrache) – de sorte que ces « indicateurs » lui montrent ce qui mène à la vraie identification-reïncarnative avec des maîtres ou des énergies historiques. Le voici qu’il se trouve face à un tout autre parcours, celui de l’intuition mystique. Il est à la recherche du pourquoi du contenu réel de l’œuvre. A propos de ce qui est orignel c-à-d de ce qui perdure Thérèse d’Avila écrit : « Les mots, leur portée et l’assurance qu’ils apportent avec eux persuadaient l’âme dans l’instant qu’ils venaient de Dieu. Ce temps est passé. Un doute s’éveille pourtant, à se demander si les phrases viennent du démon ou de l’imagination, bien qu’en les entendant, on n’éprouve aucun doute sur leur véracité, pour laquelle on voudrait mourir ». Ce pourquoi du contenu réel de l’œuvre, ce pourquoi pour lequel on voudrait mourir ! Ce but « d’être en chemin » que Pythagore appelle : « et tu seras (un) Dieu toi-même ». Aussi, on comprend la bouddhéité immédiate prédite dans le Livre Tibétain des Morts, et on s’accorde avec l’exigence de Huang-Po « ce à l’instant même » (on se trouve dans un état d’empathie avec CELA qu’a vécu sœur Katri). Dans le temps de ma jeunesse, les savants, encore, considéraient la dimension mystique comme une superstition et une maladie du cœur. Tout comme Malebranche ils ne voyaient pas (encore) la différence entre la fantaisie et l’imagination (créatrice). L’imagination créatrice… ce grand cheminement (queste) du cerveau qui entre en contact DIRECT avec le subconscient clairvoyant. La voie directe des correspondances oniriques, la sainte synergie, «le galvanisme» (Novalis) universel. Ainsi est-il que l’amant de "cette chose" se trouve « être » DANS les choses (intellegĕre) où il rencontre l’entropie de la noce obscura. Avec une contestataire véhémence il se confronte à la mentalité diabolique du pouvoir des puissants de toujours (les décideurs de la vie et de l’art). (Le texte qui suit est emprunté à la plume de Elie-Charles Flamand qui a « lu » Philippe Monnier) ; « … Les hommes de LEUR temps imbus de préjugés sociaux, les mécènes, continuent à tenir les artistes pour une gent inférieure à celle des savants et des lettrés. Ils ne peuvent passer outre au fait que les peintres et sculpteurs sont souvent issus d’un milieu sans fortune et sans titre. Les décideurs occultent TOUT ce qui n’est pas de l’ordre de « tel nom tel lien» (tel fut aussi le cas dans la période du Quattrocento et bien sur au Moyen-Age) Andrea des Castagno et Benozzo Gozzoli sont d’origine paysanne; Ucello a pour père un barbier; Filippo Lippi, un boucher; les Pollaiuolo, un marchand de volailles; Mantegna un charpentier; Cosimo Tura, un cordonnier. Sachant tout juste lire et écrire, ils sont sortis de l’école à sept ans ou huit ans. Alors leur mère les a conduits, nantis d’un balluchon contenant leurs pauvres hardes, dans l’atelier d’un « maestro » où ils ont dû rester à demeure. Astreints à balayer, allumer le feu, faire les menues commissions, ils ont reçu en échange un enseignement professionnel. Peu à peu, on les a initiés aux secrets du métier, car les maîtres préservaient jalousement leur science et ne communiquaient à leurs élèves que par degrés. D’apprentis, ils sont passés compagnons et, après une période de douze ans, deviennent enfin maîtres eux-mêmes. Cennino Cennini a décrit dans son célèbre « Livre de l’Art » les étapes de cette formation du peintre. : « Voici le compte du temps qu’il te faut pour apprendre. D’abord, il te faut un an pour étudier le dessin élémentaire que tu exécutes sur tablettes Pour rester avec le maître dans sa boutique, te mettre au courant de toutes les branches qui appartiennent à notre art, en commençant par broyer les couleurs, cuire les colles, pétrir les plâtres, te rendre habile dans la préparation des panneaux, les rehausser, les polir, mettre l’or et bien faire le grené, il te faut six ans. Ensuite, pour étudier la couleur, orner de mordants, faire des draperies d’or et te rompre au travail sur mur, il te faut encore six ans, dessinant toujours, n’abandonnant ton dessin ni jour de fêtes, ni jour de travail »  Même lorsqu’ils ont atteint la maîtrise, leur condition sociale ne changera pas. Ils resteront toujours des artisans. D’ailleurs ils n’ont aucune vanité d’auteur, signent rarement leurs tableaux, ne travaillent guère pour la notoriété. Ils œuvrent le plus souvent en commun et il n’est pas rare d’une douzaine d’aides collaborent à un même tableau, le maître se contentant d’exécuter les parties les plus difficiles. Ils n’hésitent pas à accepter les travaux les plus humbles : Botticelli et Gentile Bellini enluminent des étendards de confréries ; Ghirlandajo orne des paniers ; Pollaiuolo fabrique des bijoux ; d’autres peignent des meubles, des cadres, des « plateaux d’accouchées ». Ils restent ingénus et naïfs. S’ils créent des chefs-d’œuvre, c’est sans s’en douter. Quand on veut se faire une juste image des artistes du Quatttrocento, « il faut les évoquer, non dans un atelier splendide, mais dans une boutique crasseuse, où ils vivent au milieu de leurs outils et de leurs garçons, entre les baquets et les fioles. Ils sont vêtus « au hasard » c’est-à-dire à la diable, en bourgerons, en tablier, en tabots… Donatello, qui oublie de porter un beau manteau rouge que lui a donné Cosme de Médicis, garde son argent dans une corbeille pendue à une solive « et chaque ouvrier et ami y prend ce dont il a besoin »… Il arrive au Pérugin de coucher dans une caisse de sa boutique… Au milieu de la journée, la femme envoie un peu de vin et du pain qu’ils expédient sur le pouce et la femme mange à la maison ». Aussi les lettrés méprisent-ils ces gens dont le métier demeure « manuel » à leurs yeux. Quant aux mécènes, le plus souvent, ils les traitent un peu en domestiques, les font manger à l’office, les confondent, comme Nicolas V, sur le même livres de comptes, avec les plâtriers, les paveurs et les charrons. Ils sont moins payés que les poètes et les érudits (les lettrés) bien en cour, que les médecins, souvent même que les simples maçons. Leur salaire mensuel est rarement supérieur à sept ou huit florins, comprenant parfois la nourriture. Il arrive même qu’on les rétribue… au mètre : Francesco Cossa reçoit dix bolonais pour chaque pied des fresque commandée par Borso d’Este. Aussi, même s’ils atteignent la gloire, ils n’en restent pas moins, généralement, pauvres toute leur vie, comme en témoignent les doléances de leurs denunzie di beni ou déclarations d’impôts. Ils meurent très souvent dans la misère. C’est seulement au siècle suivant que nobles, prélats et bourgeois accorderont au peintre comme au sculpteur la même considération qu’au lettré… ».

Ce texte donnant une vue sur CEUX du Quattrocento – nous effraye à ce point qu’on hésite à jeter le regard sur CEUX qui sont encore plus enfoncés dans l’ombre et c’est surtout ce regard qu’on doit avoir sur les déroutantes œuvres du moyen-âge (Roman et) Gothique (1200/1300) qui - bouleversant TOUS nos points de vue à propos du spirituel dans l’art - nous jettent dans les grandes turbulentes angoissantes questions de cet abyssal moyen-âge… MAIS (enfin !) on sait à quoi s’en tenir, on est pleinement convaincu du contenu de CE qui œuvre dans la peinture de ces peintres maudits du moyen-âge qui – grâce à leur intuition mystique – abolissait l’idée générale commune qui disait : « créer opposé au  "produire" des artistes (plasticiens) est le seul droit de Dieu »… Tout à coup on comprend que Dante ait écrit sa « Divine Comédie » et son « Enfer ».

Le Moyen-âge ! Oui ! Là ! La lutte POUR l’ange est excessivement intense et s’expérimente dramatiquement dans une guerre spirituelle « POUR les Universalia » qui atteint son sommet chez Abélard. Se basant sur la vision (très commentée depuis des siècles) de Boethius, Abélard dit ceci : « l’Etre (l’universalia) n’existe PAS en dehors des choses mais DANS les choses » (cette guerre pour le pouvoir de l’esprit continuera pour le religĕre). Abélard nous apporte donc la transmission de la reconnaissance à laquelle Boethius avait à l’époque ajouté que cet universalia était seulement un produit de la faculté de penser (ainsi Boethius rejoint la quintessence du Livre Tibétains des Morts, l’expérience de Huang Po et l’illumination vraiment incarnée de sœur Katri (cf. Maître Eckhard 1260-1327)) (et disons même du «MINNE» l’universel amour-amour de Ruusbrouck et de Hadewych). Durant cette période (aussi) se présente à l’intellect le néo-platonisme (suite de Avreli Augustini) et pour ce qui est des transcendentalia de l’ETRE, il y a un Thomas d’Aquin qui essaye (de façon compliquée) de broyer en union (conciliation oppositorum) toute pensée scolastique, église universelle n’est-ce pas ? Puis, il y a aussi ce qu’on a appelé (en guise de dialectique) « le rasoir de Ockham » (qui influencera l’Europe, mais se dilue en coupeur de cheveux en quatre et devient (plus tard) sujet à la moquerie des humanistes). Ockham prône (ma conclusion hâtive) que TOUS les principes et TOUTES idées à propos de la métaphysique ne sont que subjectivismes… la connaissance certaine à propos de Dieu n’existe pas (on n’a qu’à le croire !) etc etc etc…

En ce temps, au Moyen-âge, nul doute que « vivre dans l’égrégore de l’intuition mystique » se remplit dangereusement du plus noir désespoir et que cette intuition seule fournit la lumière si nécessaire à l’œuvre. Et, qui sait… c’est peut-être toujours et encore aujourd’hui le cas… Si on prend sous la loupe la peinture du Moyen-âge, il faut en même temps qu’on prenne garde aux réactions du pseudo-observateur amant (celui qui ne sait PAS lire une toile) placé devant ces œuvres de l’an 1200/1300. S’il manque d’empathie pour des EMANATIONS (en fortes vibrations) du contenu des ces toiles-là, il trouvera que ces peintures sont un peu primitives… n’est ce pas ? Mais tel pseudo-observateur ne sera pas non plus en empathie avec les Soutine de la période Céret (illisible dira-t-il). Evidemment, le pseudo-observateur finira par s’accrocher au SIGNE qu’il connaît DEJA ! Il confondra le signe avec ce qui est signifié ! Et voici que, la lumière éteinte, nous nous trouverons tous les deux dans l’OBSCUR du monde technocratique là où il n’y aura plus jamais de « milieu juste et bon » ni de nuit mystique.

L’obscur dira-t-on… donc, retour au Moyen-âge. Et vraiment nous lâchons un soupir de soulagement quand l’aube de la Renaissance pointe… Et dans l’idée de cette nouvelle naissance – celle (présumée) de « l’homme- devenant-pleinement-humain » – (homo humani) on est (presque) content de lire ces mots de déni qu’écrit Da Vinci qui prétend que la peinture « qui suivant une observation à la fois philosophique et subtile, considère toutes les qualités des formes et oblige l’esprit du peintre à se changer en un véritable esprit de nature et la divinité que possède la science du peintre fait que l’esprit de celui-ci se transforme en quelque chose de semblable à l’esprit divin » … (Aucun art ne peut être comparé à la peinture) : (ni la poésie), … « car la poésie place ses tableaux dans l’imagination du lecteur, tandis que la peinture les projette réellement hors de la vue par laquelle elle reçoit les similitudes, c’est à dire les images, tout comme si elles étaient naturelles » … (la peinture l’emporte sur la musique) … « puisqu’elle ne meurt pas tout de suite après sa création, comme la malheureuse musique » …  (Quant au sculpteur) … « une plus grande fatigue du corps, le visage souillé et tout enfariné de poussière de marbre, au point qu’il ressemble à un boulanger » (Au contraire) le peintre … « bien habillé est commodément assis devant son ouvrage ; il manie légèrement son pinceau aux jolies couleurs, paré des vêtements qui lui plaisent ; souvent la musique lui tient compagnie ; ou bien ce sont des lecteurs qui disent des œuvres diverses et belles ; et sans fracas de marteaux ni autres bruits discordants on les écoute avec le plus grand plaisir et il aime beaucoup que chacun, en examinant ses peintures, donne librement son propre avis sur celles-ci» …

Toutefois, ce Da Vinci (fils de Notaire) ne dédaigne pas les qualités des Lettrés (comme par exemple celles du père de Raphael ami du Pape tueur) et il écrit à ce propos des lettres: … « cette poésie figurative qui résume toute chose et qui ainsi abonde en significations mystérieuses et infinies, en symbologies cachées et en allusions métaphysiques qui se répètent toujours » …

Et voici en lisant Da Vinci que l’ombre du grand doute s’infiltre dans notre NOŮS (cet état de conscience concernant le grand tout – Anaxoras). Bien sur Leonardo s’est qualifié de l’état de « l’homme nouveau » qui deviendra la mesure de TOUT et on peut se demander de quel homme il s’agit. Cette Renaissance, cette nouvelle naissance de l’homme-devenant-pleinement-humain » CELA a-t-il vraiment bien été AINSI !??? Troisième remarque : avec l’Euclidien – ce préconçu « concept » de l’espace dont, avant que le monde intellectuel l’accepte, personne n’en avait besoin pour mesurer, construire ou créer – il y a, pour les esprits moins forts que celui de Leonardo, une évolution DEJA vers ce rationalisme soit-disant éclairé qui est l’ennemi envieux du mystique. Pour se maintenir l’intuition mystique doit faire place à la raison de l’intuition maïeutique. Le matérialisme fait dévier l’âme de celui qu’on a appelé « l’animal religieux » qui est devenu un animal idéologique (un Platonicien a-socratique). Cela malheureusement, dans notre temps, aboutit dans l’intellecto-technocratique et la globalisation. Mais il faut comprendre que ce fut la fin du règne de la période Pisces… qui fut le triomphe de la casuïstique. Mais, tant qu’à faire, laissons à l’évolution le choix de raconter l’histoire. Nous savons bien que Leonardo et Raphael furent fils de bonne famille (Raphael fut l’ami du bruleurs de sorcières, le Pape Léon X). Donc les voilà DEJA dans le bon milieu du happy few de tels noms tels liens. ILS suivirent le chemin de « la voix de son maître » et c’est encore toujours la même question cette marche du temps, on est dedans où, décidément, on est dehors  et on reste définitivement en dehors !! » Un exemple du très grand  « doigt de Dieu » à ce propos, est la détermination dans la décision de n’accepter parmi tant d’évangiles, que 4 évangiles, parce qu’ils émanaient, tous les quatre, des milieux (églises) TRES INFLUENTS (Mathieu=Jérusalem) (Marc=Rome et/ou Alexandrie) (Luc=Antioche) (Jean=Ephèse). Ces 4 évangiles se contredisent, il s’en suit, dans le deuxième millénaire, toute la criminalité ecclésiastique. parce que, comme ni la création ni la nature ne pensent en termes de bien ou de mal, il est évident que « l’ange et le diable ensemble » sont la part de l’homme. MAIS, l’intuition mystique revient grâce aux œuvres (témoignant de conscience et connaissance aiguës !) des peintres des années 1200/1300.

Comme par exemple : 1. le « penser-couleur » : chez Duccio de Buoninsegna p.ex. « Les Saintes femmes au sépulcre » (Sienne : Musée de l’œuvre du Dôme) (c’est déjà le penser-couleur de Dominico Veneziano ou de Fra Angelico ou des maniéristes). Le « penser-couleur » : chez Pietro Lorenzetti p.ex. « Servantes » (Musée de l’oeuvre du Dôme). 2. Clair-obscur par le penser-couleur chez : le Maître de Saint-Martin « Ame réconfortée par une servante » (Musée national Saint Mathieu à Pise). Clair-obcur par le penser-couleur : chez Sassetta « Adoration des Mages » collection Chigi Saracini à Sienne (en 1400 mais encore esprit 1300). 3. Sfumato chez : Giotto « Saint François donne son manteau au pauvre cavalier » (Basilique supérieure Saint-François à Assise). Sfumato chez : De Veris « Jugement universel » Sainte Marie des Ghirli à Campione. Sfumato (moderne) chez Maso « Miracles de Saint Sylvestre dans le Forum Romain ». (Fresques de la chapelle Bardi à Florence, Santa Croce). 4. Sfumato en clair-obscur chez : Taddeo Gaddi « Nativité ». (Fresque de la Chapelle Baroncelli à Florence, Santa Croce). Sfumato en clair-obscur chez : Giovanni Da Modena « Le voyage des Mages » (Saint Pétrone Bologna) 5. Dé-coagulation chez : Sassetta « Construction de la Basilique de Sainte Marie Majeure » (collection Contini Bonacassi Florence) (la dé-coagulation se manifeste par le fait que les personnages sont « mangées » par la picturalité de la composition et du sfumato). Dé-coagulation chez : Lorenzo Monaco « Adoration des Mages » - Galerie des Offices Florence (la dé-coagulation se fait par l’effet des plans de couleurs avançant-re-culant en même temps en presque plans superposés). 6. Dé-coagulation plans supersposés chez : Ambrogio Lorenzetti « Les effet de la bonne administration » (Palais communal Sienne). (Les plans (personnages) couvrent les autres mais ne les occultent pas). Dé-coagulation plans superposés cf. « Le retour de Saint Jean à Ephèse » de l’école de Rimini du XIVième siècle (Saint Augustin à Rimini). 7. Espace non-perspectiviste (ou multi perspectives). (L’espace est devant soi, au-dessus, en -dessous, à gauche, à droite, même on sent (plus ou moins) l’espace derrière soi (et en dedans de soi). La perspective est l’absurde irréalité, convention de l’espace non vécu !) Espace chez : Vitale Da Bologna « Une histoire de Saint Antoine Abbé ». (Pinacothèque à Bologne). Espace chez : Francesco Traini « Sauvetage des naufragés dans la Garonne » triptique de Saint Dominique. (Musée National Saint Mathieu à Pise).

On découvre beaucoup plus encore … notamment : l’impressionnisme (Giotto)(Simone Martini) ; l’expressionisme (Traini) (Enrico Da Tedice) (…Di Marcovaldo) ; expressionisme à la Bosch (Orcagna) le surréalisme (Maitre de Saint Martin) (Maitre de l’observance) ; le naturalisme (Agnolo Gaddi) (Giotto)(Tommaso da Modena) le symbolisme moderne (naturalisme) (Altichiero) la presque abstraction froide ; (Pietro Lorenzetti) (Maso) ; le minimalisme ( Simone Martini) ; etc etc etc…

De plus, ces peintres «moyenâgeux» possédaient grandement le pouvoir de rendre très tangible leurs "sensations" (remarque de Berenson). C’est dire que le problème de la non-visibilité des tableaux n’existe pas si l’œuvre a atteint la conviction de sa maturité. Sera-t-il possible lors de l’évolution aboutissant dans la peinture abstraite (dont on prédit qu’elle reviendra !) de déceler la même tradition des éternelles lois de la peinture ? Correspondances oniriques;… le mystique de l’intuition.

Ce sont CES états de valeur intrinsèque qui sont TOUJOURS occultés et niés par «ceux du système» – ceux qui ont "choisi" la nécessité et les associations mentales. En faisant le choix des chimères contemporanéistes ils se trouvent SOUVENT être «les décideurs de l’art»… hélas !

Figuration Autre : « l’impondérable de la tache, l’ineffable de la tâche ». MUTHOS… La tache est signature…

L’imagination créatrice n’est pas « projection » mais « transmission », transmission de la reconnaissance de TOUT ce qui émerge, sui generis, de la « mémoria » en flammes-couleurs-colère-du-juste… ce plein solaire de la Figuration Autre. Ce TOUT fut entassé et occulté dans l’ombre au plus profond du subconscient. Les occultistes, les mystiques, les surréalistes ont déjà eu la pré-intuition de cet état… mais l’évolution de l’entendement (akousmatikoï) n’était pas encore arrivée à la vue juste qui permet de « capter » la longueur d’onde EN-SOI… ceci est cette puissance « spirituelle » indispensable, sans quoi cela donne lieu à tous les racontars possibles et imaginables (simulacres). Les surréalistes (par exemple) ont eu besoin d’extérioriser «le contenu meta- ou sur-conscient» sous une forme littéraire (presque BD) parce qu’ils n’étaient pas (encore) en mesure de rendre-en-direct leur « petite sensation » (j’emploie, ici, l’expression de Cézanne. Cette expression est une désignation-signification « de la chose »). Figuration autre : le créateur évoque-en-direct («à la prima» disait-on) ce qui émerge de son subconscient (son âme). C’est de ces profondeurs que le CELA (védique) sort sous forme de présences « de formes sans forme» (sur la toile), pleines d’évènements… parfois chargées d’odeurs et de sons pastoraux denses… des atmosphères fabuleuses sortant des caves et des greniers… des constellations d’appels bizarres et d’espaces grumelés goût de moisi. Seulement quelques taches (signature) de couleurs… et il s’installe une présence… l’antique des fables vraies, le Muthos, la correspondance onirique du son d’une cloche lointain comme un hibou volant vers la ruine éclairée par la lune.. Seulement quelques taches, et voilà qu’on sent la femme-odeur des grands bois… on "voit" les liens oniriques de ces aventures en relation avec l’horizon… on "voit" des possibilités de constructions concrètes et solides des panoramas de l’immensité… et on aperçoit le « solve et coagula » comme un pendulum planté dans la mer… l’invisible superposé au-dessus du presque visible, l’un sans occulter l’autre, s’insinuant l’un dans l’autre… osmose… les rythmes de tous les événements des temps. Parfois les taches de couleurs, très chargées de signification éternellement reconnaissable, font penser à une ou autre toile des maîtres anciens. Valeur intrinsèque de toute éternité… (il est presque possible d’y donner un titre !) valeur mystérieuse, éblouissante, émanant de la toile telle que CETTE correspondance onirique qu’on croit avoir connue… puisqu’on découvre qu’elle fut déjà toujours là (Goethe)… même à ne pas pouvoir y donner un nom, même peut-être à ne jamais savoir ce que c’est. Ce rythme memoria où, dès l’instant, le futur se rend visible par le langage des couleurs formant des plans superposés de possibilité de voyance diverse… voici qu’est née une « FIGURATION AUTRE » un entendement AUTRE.… le contenu… le contenu… divers et direct sans ambages… par l’amour on n’a plus besoin de mots ! La plupart des personnes créatives (dites contemporanéistes) abusent de l’effet (de l’affect) pour avoir une emprise d’envoûtement sur le spectateur. Par conséquent elles exercent sur l’homme exactement la même influence (mal-fonction, malentendu) que celle avec quoi l’usurpateur (ce criminel du malentendu) crée le monde-système. Le contemporanéisme (l’actualithéisme) est, en général, l’esprit de notre temps. Par le pseudo-art, dit contemporanéiste, l’homme est donc à deux fois victime. Par conséquent il tendra à avoir besoin de transcendance (rien à voir avec la religion). Mais comme en général il pense en blanc-noir, il ne pense donc pas (encore) en couleur. La possibilité de voir les couleurs est une faculté plutôt énigmatique qui s’est développée au cours de l’évolution de l’homme. Ainsi sera-t-il également le cas du don de «lire une peinture». Donc : en ce qui concerne la Figuration Autre l’homme lira bientôt cette peinture de façon si évidente, comme s’il s’agissait de l’œuvre, à l’époque, des peintres de nature-morte, de composition ou de paysage.

Figuration Autre : «correspondances oniriques» (dreamtime) par lesquelles l’homme retrouve sa "liénation" avec la nature, le cosmos et sa propre âme (l’ab-origines) (l’originalité) (le religěre !!!). Ce continuel instantané de la création qui dans tout ce qui existe continue à se créer et que l’on peut VOIR à chaque moment (intellegěre), c’est comme un fleuve qui nous embarque. Ce courant immense est le motif de la peinture non-figurative… c’est la « Figuration Autre ». Par l’acte de l’homme-créateur – ce peintre se trouvant éternellement dans le motif (tout est dans tout) – ce courant s’incarne, devient ce qui perdure. Cet homme est l’indestructible co-créateur de toutes les forces de la création. Voici ce qu’est »l’imagination créatrice» dont parle Ibn Arabî ! De plus, comme le peintre est l’antenne par excellence de tout ce qui se passe et qui finalement se cache dans le subconscient, il est – dans tous ces processus – LE précurseur en bien ou en mal, et ceci s’annonce clairement, COMPRIS FINALEMENT PAR TOUT UN CHACUN… comprit ? mais… il faut du temps… ce temps-là qui dépasse depuis toujours celui de l’actualité ! Précurseur « en bien » : alors son œuvre est vraiment force positive nourrissant l’énergie dont le subconscient collectif a tant besoin. Grâce à cet apport du « juste », l’hybride jeu du monde se cristallise et devient la « coïncidentia oppositorum», coïncidence qui se manifeste au-delà de l’état de la multi-schizophrénie qui règne le monde… dont témoignent les précurseurs « en mal»… …(l’œuvre noire). Au contraire, celui qui donne sa vie à « l’œuvre blanche» devient lui-même source de vie… force de l’imagination créatrice… indispensable parce que la plupart des êtres vivant sous l’influence de leurs propres rêves nocturnes (associations mentales) ne sachant pas que ces "rêves"-là se perpétuent aussi au jour le jour qui fait leur vie ! C’est la perdition !