Démonstration au sujet des lois de la peinture (Delacroix-Ingres). Au sujet de la « voie directe ».

A propos du débat sur le coloris (les Rubénistes et les Poussinistes), j’en reviens, donc, à l’idée que les mots ne sont pas en mesure de « donner à voir », vraiment, ce qu’est le «penser couleur». Pour arriver à cette précision il faut un entendement autre… (la voie directe). CECI NE SE COMPREND DISTINCTEMENT QUE SUR LA TOILE MÊME. On dit qu’autrefois l’homme ne voyait que peu de couleurs (ou ne voyait pas certaines couleurs paraît-il). Lorsqu’on se réfère à l’évolution de voir la couleur (en peinture) on constate qu’à partir de la renaissance (à quelques exceptions près) la qualité « penser-couleur » se trouve dans une période d’occultation. Quant aux «écrits» concernant cette question de «voir les couleurs», il a fallu (par exemple) attendre les Fauves (loin d’être de parfaits penseurs en couleur) et Bonnard, pour qu’après quelques siècles on puisse à nouveau parler de la compréhension de l’esprit de la couleur bien que LE PENSERCOULEUR fut si manifestement présent dans les temps lointains de la peinture. En "comprenant" l’insistance quant à l’emploi du penser-couleur dans le fameux portrait de l’Empereur Otto II (985) de la main du Grégory Maître (Trier Manuscript du Registrum Gregorii) (Musée Condé Fr) ou dans le portrait de l’Empereur Otto III (en deux peintures) peint après l’an 997 (cf. Evangeliar Ottos III) (Munich, Bayerische Staatsbibliothek) on "comprendra" » immédiatement ce qu’est le penser-couleur et quelle importance signifiante il a. Il sera désormais évident de trouver – aussi bien dans les temps présents que dans le tout lointain de la peinture – les traces de ceux (en extase devant les couleurs !) qui «pensaient» comme il se doit la quête du penser-couleur (et les lois de la peinture). Evidemment le débat sur le coloris nous mène à la compréhension du fait de savoir ce qu’est la peinture et ce qu’est un peintre et cette démonstration n’est PAS faite, tant au niveau de l’opposition Delacroix-Ingres que concernant le débat sur le coloris (Rubénistes versus Poussinistes). L’expression « un peintre-peintre» ou «la peinture-peinture» s’explique par un entendement profond à propos de cette question. Cette expression n’est donc pas une généralité. Dans mon livre (à achever) à propos de la synesthésie et la peinture, je développe une approche personnelle de toutes ces questions. En voici déjà quelques données : j’énumère ici quelques lois de la peinture-peinture. La base se trouve déjà chez ceux qu’il faut citer en premier lieu.

Comme par exemple : (à côté de l’œuvre – cas d’école – de Gregory Maître, il y a plus près de nous) :

1. le « penser-couleur » : chez Duccio de Buoninsegna p.ex. « Les Saintes femmes au sépulcre » (Sienne : Musée de l’œuvre du Dôme) (c’est déjà le penser-couleur de Dominico Veneziano ou de Fra Angelico ou des maniéristes). Le « penser-couleur » : chez Pietro Lorenzetti p.ex. « Servantes » (Musée de l’Oeuvre du Dôme).

2. Clair-obscur par le penser-couleur chez : le Maître de Saint-Martin « Ame réconfortée par une servante » (Musée national Saint Mathieu à Pise). Clair-obcur par le penser-couleur : chez Sassetta « Adoration des Mages » collection Chigi Saracini à Sienne (en 1400 mais encore esprit 1300).

3. Sfumato chez : Giotto « Saint François donne son manteau au pauvre cavalier » (Basilique supérieure Saint-François à Assise). Sfumato chez : De Veris « Jugement universel » Sainte Marie des Ghirli à Campione. Sfumato (moderne) chez Maso « Miracles de Saint Sylvestre dans le Forum Romain ». (Fresques de la chapelle Bardi à Florence, Santa Croce).

4. Sfumato en clair-obscur chez : Taddeo Gaddi « Nativité ». (Fresque de la Chapelle Baroncelli à Florence, Santa Croce). Sfumato en clair-obscur chez : Giovanni Da Modena « Le voyage des Mages » (Saint Pétrone Bologna)

5. Dé-coagulation chez : Sassetta « Construction de la Basilique de Sainte Marie Majeure » (collection Contini Bonacassi Florence) (la dé-coagulation se manifeste par le fait que les personnages sont « mangées » par la picturalité de la composition et du sfumato). Dé-coagulation chez : Lorenzo Monaco « Adoration des Mages » - Galerie des Offices Florence (la dé-coagulation se fait par l’effet des plans de couleurs avançant-re-culant en même temps en presque plans superposés).

6. Dé-coagulation plans supersposés chez : Ambrogio Lorenzetti « Les effet de la bonne administration » (Palais communal Sienne). (Les plans (personnages) couvrent les autres mais ne les occultent pas). Dé-coagulation plans superposés cf. « Le retour de Saint Jean à Ephèse » de l’école de Rimini du XIVième siècle (Saint Augustin à Rimini).

7. Espace non-perspectiviste (ou multi perspectives). L’espace est devant soi, au-dessus, en -dessous, à gauche, à droite, même on sent (plus ou moins) l’espace derrière soi (et en dedans de soi). La perspective est l’absurde irréalité, convention de l’espace non vécu ! Espace chez : Vitale Da Bologna « Une histoire de Saint Antoine Abbé ». (Pinacothèque à Bologne). Espace chez : Francesco Traini « Sauvetage des naufragés dans la Garonne » triptique de Saint Dominique. (Musée National Saint Mathieu à Pise).

De plus, ces peintres moyenâgeux possédaient grandement le pouvoir (remarque de Berenson) de rendre très tangible leurs "sensations" (cf. Cézanne : « ma petite sensation»). En voilà pour la question de la tradition à laquelle il faut à chaque fois ajouter un chaînon sans reculer ! Evidemment cette lignée se poursuit jusqu’à nos jours (le peintre apprend d’un peintre parce qu’ils se « comprennent»… et que la peinture est sans mots).

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Portrait OTTON III en l’an 997 (miniature du scriptorum de Reichenau)

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« Les quatre Nations » rendant hommage à l’Empereur Otton III