En peinture, user de n’importe quel symbole (l’image) afin de s’assurer de la communication avec «l’observateur aimant» est, stricto sensu, une modalité trahissant l’innommable. Evidemment, les symboles etc. permettent en soi de (plus ou moins) «lire la toile», mais ils ne sont que d’une aide très précaire et souvent mensongère (comme le sont les mots)… et au niveau de l’impondérable ce ne sont que des simulacres. Tout créateur vrai est attiré par l’innommable afin de vivre la quête de la tentation du chef-d’œuvre « ce quelque chose » vers lequel on est en chemin toujours… c’est le saut de Leucade vécu par quelqu’un qui n’est certes pas affabulateur maniant la technicité à outrance de la perfection factice. La création vraie :… ce chemin conduira finalement soit à la folie soit à ce rien bouddhique ou au «non-savoir»… Le mystique est quelqu’un qui préfère essayer de vivre dans l’égrégore [1] de l’innommable… en somme c’est comme l’amour… Quant aux mondes des idées… chimères : rien que des produits du fonctionnement du cerveau et de la physiologie… ainsi naissent Dieu et toutes les misères du monde.

Heureusement qu’existe la nature avec toutes ses énergies qui sont ces Dieux du tout animé.

Les mots sont presque tous menteurs… il faut créer d’autres dimensions afin d’assurer une évolution possible.

La peinture-peinture «Figuration Autre» est sans mots.

Peut-être les couleurs sont-elles des guides plus directs vers ce qu’on appelle l’ineffable. D’ailleurs « les couleurs n’existent pas » (paraît-il) et très rares sont les personnes qui sentent les émanations animées des couleurs, bien que tout un chacun est inconsciemment sous l’influence de leurs radiations.

Au-delà de l’image basons-nous plutôt sur la signature du créateur (les coups de pinceau). C’est ce qui est le plus concret. Cette signature fut autrefois révélée dans « le finishing touch ». A ce propos voici ce que le peintre Marco Ricci (18ème) dit de la question de cette signature : «cette petite peinture (que le commanditaire considère comme une esquisse) EST l’original dont le grand retable achevé-comme-il-faut, sera la copie ».…………..

Titien, quand il prenait de l’âge, donnait la primauté au coup de pinceau (signature). Il a préféré SA signature avant tout. Dans ces « coups» il mettait tout son être… toutes ses valeurs intrinsèques. Il a donc commencé à «dé-coaguler» les rondes bosses des formes et figures afin d’obliger l’observateur à une confrontation plus directe avec ce que LUI il avait à dire en tant que créateur d’une peinture qui n’a pas vraiment en premier lieu besoin d’images (et de racontars) pour se faire entendre à propos de l’essentiel…

D’autres peintres l’ont suivi sur cette route de la signature. Ainsi naissait «l’action painting» c-à-d que le peintre donne forme au contenu de façon directe… rien d’autre que «des présences» via sa signature… c-à-d ses coups de pinceau (brosse) qui expriment TOUT (pour ceux qui déjà savent lire une toile !) pas besoin d’autre chose (simulacres) pour qu’une peinture existe. D’une part, «ces coups» sont donc comme les sons sans quoi la musique n’existe pas et d’autre part «la figuration autre» est le pendant du "cadre" dans lequel fonctionnent les sons c.-à-d. la composition.

Il faut être peintre; et non – pour les besoins de la décoration communicative – abuser de la technique de la peinture, ne fût-ce que comme un maître.

Pour ce qui concerne l’évolution de la signature : voici Titien, Bassano, Gréco, Magnasco, Willmann, Grund, Marco Ricci, Franceso Guardi, Courbet, Cézanne, Monticelli, Kikoïne, Kremègne, Ebiche, Antcher, Soutine, Tuculescu, Bazaine, Bachmann, Van Anderlecht, Largot (en 1936-37 sous l’influence des œuvres de Soutine, Pollock s’aventure dans cette signature devenue (presque) autonome chez Soutine mais chez Pollock ce ne fut q’un action-painting d’emphase qui s’est liquéfié ensuite dans un dripping somatique alcoolique et psychotique).

Evidemment les prémisses employées par les critiques et/ou par les décideurs de l’art, sont très souvent déterminantes pour l’acceptation de telles ou telles œuvres ou pour l’occultation d’autres.

Mais pourquoi ne pourrait-on pas envisager d’employer, comme base de discernement, «l’art de peindre», en soi, comme « médium » d’entendement concret. Oublions pour un moment l’art, parlons de la peinture ! Les lois de la peinture sont, quand même, à travers les siècles, des guides sûrs dans ce dédale qu’on a «fabriqué» suite au fait qu’on a posé des questions à propos de ce qu’est l’art, et surtout de ce que c’est que de réfléchir comment formuler des propos sur l’acte créateur et son influence sur le mental et/ou l’esprit (cf. la question de l’art abstrait) de celui qui "regarde" la peinture !

Ne pas pouvoir choisir entre la nécessité et le pouvoir (dixit Pythagore) (Nietzsche) (Pascal) est se vouer à la schizophrénie… d’un côté il y a le monde et son système, de l’autre il existe un « monde » qui n’est pas de ce monde… il faut choisir (intellegĕre)… sinon… ! Tout comme il faut apprendre à choisir entre les associations mentales et les correspondances oniriques ou entre le hasard et la coïncidentia oppositorum… savoir choisir est la puissance 2 c’est avoir le pouvoir sur soi !

D’ailleurs il existe ce qu’on appelle «la schizophrénie positive pour le religĕre» [2] et c’est cet enfer là qu’il faut traverser jusqu’au bout avant de pouvoir en sortir «de l’autre côté» [3] ! Quant à la schizophrénie négative on n’en guérira jamais si on est noyé dans le monde et son système.

Grâce à des reproductions (des peintures nommées) j’ai composé ma petite collection des peintures que je préfère (e.a. à cause de la signature). En me posant la question du pourquoi de ce choix, la réponse vient du plus profond et englobe TOUT. Quelques VRAIS mots surgissent… des mots qui parlent de l’élémentaire, de l’évidence, du grand sérieux face à l’intrinsèque de cette peinture, de l’état de dépouillement vis-à-vis de tout simulacre, l’en-soi presque cru… rude… de la présence… le réel.

Le coup de pinceau du vrai peintre «vibre» et communique Quant à la peinture-peinture de la Figuration Autre il n’y a pas d’autre communication possible, ce coup est définitif; sans CE coup de pinceau le tableau n’existerait même pas. Parce qu’en dehors de cette signature il n’y a rien d’autre sur la toile. Ce coup de pinceau fait la forme, est la couleur, la lumière, le clair-obscur, le contenu, le tout (qu’il faut savoir lire).

Quant au pourquoi – sur le plan personnel et psychologique – du choix que j’ai fait à propos de mes peintures préférées, la réponse est : que je sens toujours présent en moi tout ce que je sens en regardant ces toiles. J’ai cru comprendre qu’il s’agit là d’un entendement d’une tradition universelle – éminemment profonde et humaine – à laquelle on a le devoir d’ajouter un chaînon… cela a été le cas depuis toujours et cela continuera.

Le proverbe dit : «chasser le naturel on y revient au galop». Les ruptures temporaires du chaînon seront bientôt oubliées ! Les "résultats" du contemporanéisme ne sont que des affectations, des envoûtements, moyennant lesquels ces créatifs là exercent leur influence néfaste sur le spectateur.

Concernant la peinture-peinture que je qualifie de figuration autre, il est indéniable que par-là est la sortie possible de ce labyrinthe – apparemment sans issu – dans lequel le contemporanéisme s’est claustrophobiquement enfermé. Ouverture : parce que la figuration autre est, en somme, la base insoupçonnée de toutes les qualifications de cet état d’être AUTRE… que l’état dans lequel se trouve le monde. Il est bien vrai qu’on est actuellement déjà en présence d’une forme de pré-intuition concernant cet esprit AUTRE… (on va vers Aquarius). Mais pour le moment encore, on vivra sous le joug du mensonge de la technocratie et de la technologie à outrance qui se veulent être tellement convaincantes comme un mirage.

Figuration Autre, ce tout concernant mon subconscient personnalisé (je l’appelle mon âme) – qui ne doit plus rien au subconscient collectif – me mène directement, sans détour, à ma signature. Par l’observation et l’analyse de ma schizophrénie naturelle (l’ego versus MOI), j’ai pu réaliser la guérison de l’état mental négatif lié à cette éternelle question :… en discernant bien la différence entre la nécessité et la puissance (etc), simplement dit : c’est devenir adulte, quelqu’un (une personnalité) qui – bien qu’il soit lui aussi soumis à tout avatar (ou surprise heureuse) – est devenu quelqu’un qui a choisi de ne pas avoir la quasi jouissance d’être victime de toutes ces chimères. Il a trouvé la puissance de ne plus continuer à jouer son spectacle. Il a acquis le pouvoir sur soi ! Il vit dans le monde du plus logique du plus évident ordinaire possible dans lequel tout « EST » !

AUTRE… figuration autre… dans cette peinture là, forcément, se cachent là des présences (anum) de pulsions autres que celles de l’horreur du contemporanéisme. La Figuration Autre est le sublime des soupçons-archétypes qui demandent l’aide maïeutique pour devenir des formes "apparitionnelles". Bien sûr dans ces «égrégores»-là TOUT n’est que soupçons qui "disparaissent" immédiatement devant l’exigence "du concret" demandé par le rationnel que trop irraisonnable. Mais pour l’observateur amoureux d’une toile, il suffit, par réceptivité, de «savoir lire une peinture» car le peintre s’extériorise en faisant appel en premier lieu à son intuition, en se méfiant «du tout bien savoir», du tout bien connaître et de toute explication. Au genre logos… il préfère le MUTHOS. Le peintre se trouve comme étant un réceptacle d’acceptation de tout ce que son âme lui confie en silence mystérieux (numineux). Par son choix il peut s’éloigner de l’abysse !

Cette fois-ci – et voilà « la progression » quant à la tradition – les coups de pinceau (SA signature) le guident vers ce que les occultistes ont appelé «l’arcana arcanorum », ce potentiel des présences (presque) hors sens, sous forme d’une figuration autre… à déceler… à découvrir… non pas directement VUE mais plutôt APERÇUE par «le sentir hors des sens ». Finalement… en somme… on ne reconnaît que le reflet de son âme ou l’écho des états lyriques daïmoniaques ou démoniaques de son âme… ou le soupçon des correspondances oniriques les plus exaltantes, directes et vraies sans ambages sans symbole ou parole… parlons donc d’amour.

Ce sont CES états de valeur intrinsèque qui sont TOUJOURS occultés et niés par «ceux du système» – ceux qui ont "choisi" la nécessité et les associations mentales. En faisant le choix des chimères contemporanéistes ils se trouvent SOUVENT être «les décideurs de l’art»… hélas !

Figuration Autre : « l’impondérable de la tache, l’ineffable de la tâche ». MUTHOS… La tache est signature…

L’imagination créatrice n’est pas « projection » mais « transmission », transmission de la reconnaissance de TOUT ce qui émerge, sui generis, de la « mémoria » en flammes-couleurs-colère-du-juste… ce plein solaire de la Figuration Autre. Ce TOUT fut entassé et occulté dans l’ombre au plus profond du subconscient. Les occultistes, les mystiques, les surréalistes ont déjà eu la pré-intuition de cet état… mais l’évolution de l’entendement (akousmatikoï) n’était pas encore arrivée à la vue juste qui permet de « capter » la longueur d’onde EN-SOI… ceci est cette puissance « spirituelle » indispensable, sans quoi cela donne lieu à tous les racontars possibles et imaginables (simulacres). Les surréalistes (par exemple) ont eu besoin d’extérioriser «le contenu meta- ou sur-conscient» sous une forme (trop !) littéraire (presque BD) parce qu’ils n’étaient pas (encore) en mesure de rendre-en-direct leur « petite sensation » (j’emploie, ici, l’expression de Cézanne. Cette expression est une désignation-signification « de la chose ») Figuration autre : par sa signature seule, le créateur évoque-en-direct («à la prima» disait-on) ce qui émerge de son subconscient (son âme). C’est de ces profondeurs que le CELA (védique) sort sous forme de présences « de formes sans forme» (sur la toile), pleines d’évènements… parfois chargées d’odeurs et de sons pastoraux denses… des atmosphères fabuleuses sortant des caves et des greniers… des constellations d’appels bizarres et d’espaces grumelés goût de moisi. Seulement quelques taches (signature) de couleurs… et il s’installe une présence… l’antique des fables vraies, le Muthos, la correspondance onirique du son d’une cloche lointain comme un hibou volant vers la ruine éclairée par la lune [4] . Seulement quelques taches, et voilà qu’on sent la femme-odeur des grands bois… [5] on "voit" les liens oniriques de ces aventures en relation avec l’horizon… on "voit" des possibilités de constructions concrètes et solides des panoramas de l’immensité… et on aperçoit le « solve et coagula » comme un pendulum planté dans la mer… l’invisible superposé au-dessus du presque visible, l’un sans occulter l’autre, s’insinuant l’un dans l’autre… osmose… les rythmes de tous les événements des temps. Parfois les taches de couleurs, très chargées de signification éternellement reconnaissable, font penser à une ou autre toile des maîtres anciens. Valeur intrinsèque de toute éternité… (il est presque possible d’y donner un titre !) valeur mystérieuse, éblouissante, émanant de la toile telle que CETTE correspondance onirique qu’on croit avoir connue… puisqu’on découvre qu’elle fut déjà toujours là (Goethe)… même à ne pas pouvoir y donner un nom, même peut-être à ne jamais savoir ce que c’est. CE RYTHME MEMORIA où, dès l’instant, le futur se rend visible par le langage des couleurs formant des plans superposés de possibilité de voyance diverse… voici qu’est née une « FIGURATION AUTRE » un entendement AUTRE.… le contenu… le contenu… divers et direct sans ambages… par l’amour on n’a plus besoin de mots ! L’effet est le contraire du contenu. Exercer l’affectation est le criminel-contraire du contenu de l’œuvre qui est la mission du peintre parce que ceci est la transmission de la reconnaissance de ce qu’est l’humain. La plupart des personnes créatives (dites contemporanéistes) abusent de l’affectation maladive pour avoir une emprise d’envoûtement sur le spectateur. Par conséquent ils exercent sur l’homme exactement la même influence (mal-fonction, malentendu) que celle du monde-système. Le contemporanéisme (l’actualithéisme) reflète l’esprit de notre temps. Par le pseudo-art, dit contemporanéiste, l’homme est donc à deux fois victime. Par conséquent… généralement, il tendra à avoir besoin de transcendance (rien à voir avec la religion) et il cherchera vraiment l’amour. Mais comme il pense en blanc-noir, il ne pense donc pas (encore) en couleur. La possibilité de voir les couleurs est une faculté plutôt énigmatique qui s’est développée au cours de l’évolution de l’homme. Ainsi sera-t-il également le cas du don de «lire une peinture». Donc : en ce qui concerne la Figuration Autre, l’homme lira bientôt cette peinture de façon si évidente, comme s’il s’agissait de l’œuvre, à l’époque, des peintres de nature-morte, de composition ou de paysage.

Notes

[1] égrégore : champs énergétiques c-à-d les Dieux

[2] Le ‘religĕre’ est la coïnciliatio oppositorum (complémentarité)

[3] Constantin Huygens, l’ami hollandais de Descartes

[4] Ces mots en italiques sont exemplaires concernant la question : qu’est ce «une correspondance onirique». C’est une comparaison basée sur une « correspondance» lyrique qui n’a rien à voir avec la logique horizontale et qui, au contraire, est un lien qui parle du fait que « les choses » ont quelque chose en commun qui échappe à la compréhension directe (voir plus loin le clinamen).

[5] Ces mots en italiques sont exemplaires concernant la question : qu’est ce «une correspondance onirique». C’est une comparaison basée sur une « correspondance» lyrique qui n’a rien à voir avec la logique horizontale et qui, au contraire, est un lien qui parle du fait que « les choses » ont quelque chose en commun qui échappe à la compréhension directe (voir plus loin le clinamen).