Première conclusion à propos de la situation de l’actuel come-back de ce qu’on appelle l’abstraction. Peinture-peinture : La possibilité que les idées du «Subterranean» (Onderaards 1957-1962) et la philosophie du «Lumen Numen» (1962 à 1972) trouveront leur place dans l’érudition des connaisseurs de l’histoire de l’art est souhaitable pour les raisons suivantes :

1. En Europe les «Subterraneans», témoignaient d’un état d’esprit parallèle au mouvement littéraire et d’émancipation américaine (période subterranean des années soixante).

2. Quant au « Lumen Numen » (en peinture) il n’y a, ni à l’époque ni ensuite, pas de traces d’un équivalent en dehors de l’Europe (par contre, à travers les siècles, dans la poésie, le Numineux a été témoin de l’esprit du temps) («Le Numineux dans la poésie» – Ed. Fagne – Bruxelles 1971)

3. Ces deux points de vue (1 et 2) en peinture ont subit l’occultation (à ce jour depuis +-60 ans) parce que des américains il nous venait le slogan dévastateur: «la peinture de chevalet est morte». Ce slogan mensonger avait un but politique propagé par la CIA [1] CONTRE la peinture-peinture française [2] afin de mieux mettre en avant les manifestations de la « New American Painting » (les années1958-59 etc) avec grande pompe et grandes finances-CIA qui avaient pour but d’un peu nettoyer le blason américain terni par la chasse aux sorcières du maccarthysme.

4. Ce modernisme-isme américain a donné suite à l’incarnation d’une naissance d’un post post Dadaïsme «après la lettre» sous le nom bien connu du «contemporanéisme» [3] qui devient – tout de suite après la récupération de la contestation de 1968 – monnaie courante internationale autant que et parallèle au pouvoir de l’économie monétariste mondialisée et vivement soutenu par celle-ci. Le Dadaïsme est une sorte de INSIDE-VUE contestataire de ce qu’à l’époque (il y a 100 ans !) était considérée comme réalité. "On" appelle le contemporanéïsme « l’art du réel » parce qu’ "ON" le considère comme un élan créatif (tout le monde est créatif !) au sujet de toutes sortes d’interprétations et de pseudo-contestations sous toutes les formes possibles impossibles et imaginables (conceptuel) de la soi-disant réalité d’aujourd’hui.

5. Ainsi est-il que dans l’histoire de l’art, il existe une béance (au niveau de la peinture-peintre) d’au moins un demi-siècle (en somme «CELA» commence dans la période DADA, déjà !) d’absence de suivi et de communication au niveau de la continuation de la tradition dans la peinture existant réellement… mais «souterraine». Puisqu’on a déclaré (et en cela l’Europe a suivi la CIA) que la peinture de chevalet fut totalement morte – devant par conséquent être effectivement remplacée par quelque chose d’excessivement remarquable – "ON" (les décideurs de l’art) allaient à la chasse – en guise d’alternative – de ce qu’"ON" appelait l’originalité… de plus en plus extrémiste (même très vulgaire). Cette originalité fausse devenait un état de «pensée unique» globalisé, de l’apparence de produits dits culturels [4] très bien accueillis dans tous les musées du monde – parce que ce qui se montre dans un musée est consacré donc emblématique pour la qualité de la culture – et monnayé outre mesure par de richissimes collectionneurs. Ces «produits» – s’annonçant comme alternatives après la mort déclarée de la peinture – naissaient sous la poussée du « démocratisme » des décideurs de l’art officiel (genre CIA/MoMa etc) (situation tout comme en France au temps des «pompiers»). En effet, cette manœuvre de démocratisme-politique est simple mais effective et la situation créée par cette contre-démocratie tient pendant quelques décennies. N’est-il pas vrai que pour propager un pouvoir et par ce biais « annexer » une autre culture, il faut d’abord envoyer les missionnaires et que c’est seulement après que la colonisation (exploitation etc) peut s’effectuer ? Encore un autre chemin qu «ON» peut employer est le suivant : si un peuple a des difficultés avec le peuple voisin, alors « ON » intervient en libérateur (commémorations certaines) et ON essaye de faire des accords de partage avec le voisin, on crée de nouvelles frontières (par ex. jusqu’au mur, c’est nous, après le mur c’est vous !) ON inonde le peuple libéré par des marchandises up-to-date et on crée une nouvelle monnaie. Même si votre pouvoir n’est pas stable et votre économie est chancelante, toujours est-il qu’en agissant ainsi vous avez le pouvoir de l’exportation… parce que par l’exportation vous créez ou consolidez votre puissance. Et, n’est ce pas que l’histoire tient en mémoire tout acte de bravoure et de culture mis-à-la-page comme qui dirait un statut d’exemplarité… donc exportable en premier lieu… L’Europe ne fut-elle pas à l’époque divisée par ce poids (au-dessus de sa tête) de cet énorme « Mère Russie ». Les Américains-enfants-européens ne voulaient-ils pas protéger leurs parents ? Mais être libérateur ne suffisait pas, il fallait détrôner la puissance culturelle et spirituelle de ses parents ou attendre qu’ils soient décédés (et toute valeur évanouie) avant de pouvoir être les dignes héritiers !

6. Enfin, donc, pour revenir à la peinture oubliée par le temps du système, se situaient dans l’ombre durant ces longues années, la suite réelle ET l’évolution d’une peinture figurative méconnue et dans le même temps la naissance de la peinture-peinture dite non figurative. L’une et l’autre furent occultées de façon quasi frauduleuse (la béance) par « les décideurs de l’art» qui ne se basaient plus sur des « questions d’Art » mais sur des «pulsions» de la globalisation de l’économie monétariste, pulsions n’indiquant rien d’autre que la valeur purement «trendy» et monétaire valant pour des valeurs sûres du pouvoir du colonisateur acclamé par le « il faut faire avec ».

6. Mais, d’autre part, cette naissance de la peinture-peinture non figurative aboutit finalement dans une peinture vraiment peinte qui n’est ni figurative ni non-figurative et qui trouve une convaincante présence dans la «Figuration Autre» de Serge Largot. Largot qui a, de son temps quand même, eu le grand intérêt (mais sans trop de suite…) de quelques éminents «connaisseurs-amoureux» tels que Maeght père et fils, Bazaine, d’Arschot, Stal, Apraxine etc etc… Bazaine disait de Largot : « il est le plus lucide des artistes fous et le plus peintre des peintres ».

7. Mais, sans trop de suite parce que la « Figuration Autre »… elle n’est ni figurative ni non- figurative… et se situe loin de tout contemporanéisme ! Elle est née dans le subconscient de quelqu’un qui a été capable de lâcher prise de toutes inspiration ou télépathie trop directe venant du subconscient collectif qui baigne dans le système. Grâce aux excès de ses exaltations propres – qui le pulsait au-delà du monde de l’humain que trop humain – IL a trouvé en lui, enfin, d’être AUTRE. Il a libéré son subconscient personnel… il a lâché prise de tout le reste… Ainsi est-il que ce créateur de l’unique est capable de se trouver en très grande empathie avec « l’homme » sans pour autant être victime des émanations psycho-énergétiques du subconscient collectif (il s’en sauve par son exaltation ou extase). Par son empathie il se trouve en contact direct avec ce qu’Artaud nous apprend au sujet de Van Gogh disant que Van Gogh révélait «les forces originelles de la nature». Nul doute que ces forces "rodent" dans le subconscient collectif auquel l’artiste a "accès" (sans en être trop infecté) de sorte qu’il comprend qu’il y a des énergies (des Dieux) clairvoyantes dans le subconscient collectif qui s’immisce dans le monde entier depuis tout temps et depuis toujours (clairvoyant :…durant la jeunesse de Largot on parlait du troisième œil ou de « through the looking glass»).

Ces dieux… ces énergies… ces racines… ces ramifications… mènent l’homme vers des états de conscientisation multiples, allant de l’état de médium, de la clair-voyance, de l’intellegĕre (voir en dedans des choses), du religĕre (tat tvam asi), de l’inspiration, de la géométrie à l’ancienne, bref finalement « du tout entendant» (akousmatikoï) et de toutes les possibilités de se frayer soi-même son propre chemin vers l’IN-itiation (auto-destination à la place du KARMA). Depuis toujours – loin de toute IN-spiration venant de l’extérieur qui nous inspire toutes ces horreurs [5] – cet état-détermination IN-itiatique est né de ce que dans le Soufisme est appelé (et précisé) « l’imagination créatrice »… et… en même temps ce fut la source de toutes les sciences. Au niveau de l’esprit scientifique cela ressemblait encore fort bien à l’état de la géométrie à l’ancienne et du nombre d’or ce (paradigme Pythagoricien des proportions, des correspondances et des rapports hors « tour de Babel» du paradigme des idées (Platon, Aristote etc)). Après cette période des pensées merveilleuses – de l’intellegĕre élémentaire et du religĕre bien fonctionnel – le « conscient » est devenu beaucoup trop intellectuel. Il se voulait trop rationnellement « conscient » et trop techniquement « naissant »… le côté technocratique apparaissait déjà. La technocratie… Les visions de synthèse faisaient place, petit à petit, à un état (maladie ?) mental d’analyse témoignant de plus en plus de technicité par le biais de l’intelligence qui s’éloigne de sa source (intellegĕre). Finalement cela aboutissait dans ce qu’on appelle « l’éternel maintenant du contemporanéisme », le toujours plus… le toujours plus loin… même pour arriver encore plus loin que la planète MARS.

Aujourd’hui l’évolution de l’humain est sur le point de quitter cet égrégore (champ magnétique) néfaste de l’éternelle fausse originalité de l’actualithéisme. L’homme qui se cherche s’éloigne de plus en plus du monde des sens, de l’intellectualisme spéculatif et de la représentation… du moins en ce qui concerne la philosophie de la science qui se veut être parallèle à la situation dans les arts plastiques.

Voici que s’annonce la période de l’empathie « compassio » directe (Aquarius) et de l’auto-initiation de tout un chacun. Nous n’avons plus besoin de la « représentation »… nous ne nous faisons plus « d’imagerie » et de métaphores parce que nous sommes à nouveau capables d’entendre directement tout ce que notre intuition nous apprend – comme c’est le cas de l’ab-origines ou de l’enfant – mais avec cette différence fondamentale que ni l’un ni l’autre n’en avaient déjà acquis la conscience que, désormais, nous possédons. Nous serons, enfin, en mesure de ne plus nous perdre dans les simulacres. Bref maintenant nous savons « lire » une toile « Figuration Autre ». Nous pouvons désormais nous aventurer dans ce monde de ce qui, bien présent, se manifeste – de façon archétypale – dans cette peinture Figuration Autre, dans tout ce qui s’y signifie « de vivance et de voyance »… cet état IN-itiatique « à travers le miroir » AU-DELA de toutes les visions des horreurs de ce monde admiré par les cyborg du contemporanéisme. Le miroir ne nous donne que les reflets des choses… il faut que l’homme soit capable de ne pas rester auprès du reflet (de soi-même)… il DOIT – en dépassant ce qui n’est que reflet – apprendre à voir ce qui EST– il doit donc aller « through the looking glass ». L’homme tel qu’en lui-même se doit d’être un être humain AUTRE qui n’ait plus besoin de ces petites fantaisies dues au fait de prendre comme monnaie courante ce qu’il "entend" à ce qu’il sait déjà.

Notes

[1] voir l’histoire du MoMa et de la 9th street contra la 8th street, etc (cf. textes plus loin)

[2] cf. l’exposition (1941) « Vingt jeunes peintres de la tradition française»

[3] appelé tel par les adeptes même de ce genre !

[4] cf. les produits culturels du contemporanéisme !

[5] cf. les produits culturels du contemporanéisme !